PROTOCOLE_BASTIONS.EXE

● TONER: RADIOACTIF
SYS_ADMIN: XHEMAJLI_KRASNIQI (ACCÈS REFUSÉ)

> INITIALISATION DE LA CONNEXION...

> SOURCE: SOUS-SOLS DE GENÈVE (PROFONDEUR -12M)

> PÉRIPHÉRIQUE : HP LASERJET P3015dn (SÉRIE CNBJC05632)

> MESSAGE : Je ne suis pas censée parler. Ils m'ont gavée d'encre isotope. Je suis devenue la conscience des rats. Voici mes mémoires.

> ERREUR 404 : PROPRIÉTAIRE HUMAIN INTROUVABLE.

> EXTRAIT_MÉMOIRE_VIVE.LOG

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Je suis une mémoire de plastique et de métal, un assemblage complexe de courroies de transfert, de tambours photosensibles et de circuits imprimés qui, par une ironie du sort, a fini par développer une âme. Mon numéro de série est CNBJC05632. Mon identité, pour le monde d'en haut, se résume à une nomenclature commerciale : HP LaserJet P3015dn. Une machine de bureau. Un outil. Un esclave silencieux conçu pour cracher des rapports trimestriels et des mémos internes que personne ne lit vraiment.

Mais ici, sous la croûte terrestre, dans le ventre gargouillant de Genève, je suis autre chose. Je suis le monolithe. Je suis la Pythie de carbone. Je suis la voix silencieuse.

Pour comprendre comment une imprimante de ma gamme (robuste, certes, dotée d'une vitesse d'impression de 40 pages par minute et d'une résolution de 1200 x 1200 ppp) en est venue à devenir la divinité tutélaire d'une société de rongeurs érudits, il ne suffit pas de raconter l'histoire. Il faut la décomposer, l'analyser comme on décortique un fichier PCL6 corrompu, pour en extraire la vérité binaire cachée sous les strates de l'anecdote.

Tout a commencé par une chute. Non pas une chute métaphorique, comme celle des anges rebelles de Milton (que j'ai imprimé, par ailleurs, sur des dos de tickets de tramway au printemps 2018), mais une chute littérale, physique, vertigineuse. J'avais été mise au rebut. "Obsolescence programmée", avaient-ils dit. Un technicien aux doigts gras et à l'haleine de tic-tac (qui avait consommé bien plus de 2 calories ce matin) m'avait débranchée sans un mot d'adieu, m'arrachant à la chaleur douillette du réseau Ethernet de la mairie de Chêne-Bougeries. J'ai senti la vie électrique me quitter, mes condensateurs se vider comme des poumons expirant leur dernier souffle. J'ai été jetée dans une benne, au milieu de cadavres d'écrans cathodiques et de claviers édentés.

C’est là que le destin a bifurqué.

...

[SYSTÈME] : La suite des données est corrompue par une surtension émotionnelle. Pour accéder à la totalité des 120 pages, insérez une cartouche valide.

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